SIEMPRE PARIS
Fabrizio Colombo 7teto
& Sandra Rumolino
En concert au New Morning
8 octobre 2025 – 20h30
Fabrizio Colombo | bandonéon, composition, arrangements
Emilie Aridon-Kociolek | piano
Mathias Naón | violon 1
Anne Le Pape | violon 2
Verónica Votti | violoncelle
Lucas frontini | contrebasse
Adrien Merahi | guitare
arrangements | Fabrizio Colombo 1, 2, 3, 5, 6, 7
ingénieur du son – mixage| Andy Sfetcu
mastering| Geoffroy Peuble – GMS Mastering
design, photo & vidéo | Alejandro Rumolino
production | Fabrizio Colombo / Association Aconcagua
Choisissant un répertoire représentatif de toutes les époques du tango, incluant dans sa formation des musiciens français et étrangers, défendant avec conviction la parité de son équipe et invitant des artistes issus d’autres filières de création (danse, arts plastiques, chant, théâtre), les membres du septet se produisent dans la diversité et la transversalité, et se positionnent ainsi loin des mécanismes clivants et conservateurs.
Formé en Argentine en 2020 et basé à Paris depuis 2023, le septet a pour vocation d’apporter un regard nouveau sur le vaste patrimoine musical du tango à travers des œuvres originales et revisitées, et de tisser des liens entre les cultures de deux pays dans lesquels cet ensemble évolue.
Pour le tissage de ce canevas historique et multiculturel, Fabrizio Colombo, son directeur artistique, se sert d’une formation instrumentale inhabituelle pour ce genre musical : le septet. Bien que le parti pris du tango soit entièrement assumé, une formation pour sept instrumentistes permet de donner à la partition une palette sonore plurielle allant des couleurs tant classiques que modernes, en passant subtilement par le jazz.
Lionel Eskenazi
« Siempre París », autrement dit « Toujours Paris », c’est par ce standard du tango – dont la version d’Astor Piazzolla en 1957 avec le chanteur Jorge Sobral reste dans toutes les mémoires – que le bandonéoniste et compositeur argentin Fabrizio Colombo, installé à Paris, a voulu nommer son cinquième album à la tête d’un somptueux septette qu’il a formé avec soin. C’est une façon de rendre hommage à la capitale française qui est devenue sa ville d’adoption, sans oublier qu’elle est aussi la deuxième ville la plus importante dans l’histoire du tango après Buenos Aires (grâce aux nombreux séjours triomphaux effectués par Carlos Gardel entre 1928 et 1932).
Né dans une famille de musiciens dans la région viticole de Mendoza en Argentine, Fabrizio Colombo à l’image de son père violoniste, a tout d’abord étudié le violon, mais son cœur l’a dirigé vers le bandonéon qui est l’instrument que jouait son grand-père. Un instrument qui devient le prolongement de lui-même et qu’il perfectionne en suivant pendant plusieurs années les cours du grand maître Nestor Marconi. Diplômé de l’école de musique de Mendoza, il y a aussi appris le piano, ce qui lui a ouvert les portes de la composition. Tout est en place pour que sa carrière de musicien démarre en Argentine, où il va enregistrer ses trois premiers albums. Tout d’abord un disque en trio (bandonéon-piano-contrebasse) en 2020, suivi d’un duo avec le guitariste Luca Pinto et enfin il réalise un rêve, celui de monter un septette dans l’idée de prolonger l’aventure musicale du fameux quintette d’Astor Piazzolla (violon, bandonéon, piano, guitare, contrebasse) en y ajoutant un deuxième violon et un violoncelle.
Une idée géniale qui lui permet de prolonger son travail orchestral en soignant
les textures sonores, les timbres et les couleurs instrumentales afin de rapprocher le tango de la musique classique, mais aussi du jazz, avec une certaine liberté accordée aux musiciens pendant leurs solos. Arrivé à Paris début 2023, il ne connaissait personne et il fallait construire sa nouvelle vie et sa carrière. C’est par sa ténacité, son talent et sa passion qu’il a pu facilement rebondir, mais aussi par sa gentillesse, sa bienveillance et son empathie qu’il a pu créer des liens et s’intégrer à la communauté des musiciens argentins exilés à Paris. Il fait notamment la connaissance du vibraphoniste Lucas Dorado, de la même génération que lui, avec qui il va souvent jouer et enregistrer l’album « El Sueño », mais aussi de l’incontournable percussionniste : le « papa » Minino Garay, de la chanteuse Sandra Rumolino et du contrebassiste Lucas Frontini, avec qui il va enregistrer « L’Art du Duo ».
Intégré dans le monde musical parisien, Fabrizio a une obsession qui consiste à monter un nouveau septette avec des musiciens qui vivent en France, puisqu’il a déjà un répertoire pour cette formule instrumentale et qu’il a en plus des idées d’arrangements d’anciens tangos, ainsi que de nouveaux morceaux en tête. Il va rencontrer des musiciens spécialistes du tango argentin et les embaucher dans son nouveau septette : la violoniste Anne Le Pape et la violoncelliste Verónica Votti (du groupe « Les Fleurs Noires »), ainsi que la pianiste Emilie Aridon-Kociolek et le violoniste Mathias Naón (du Trio Tasis). Le septette sera complété par son ami contrebassiste Lucas Frontini et le guitariste Adrien Merahi.
Fabrizio Colombo sait très bien que la musique de tango est indissociable de la poésie des textes de toutes ces sublimes chansons du répertoire, il décide donc d’ajouter au septette la chanteuse Sandra Rumolino. Le groupe complet est donc composé de huit personnes avec une parité parfaite : quatre hommes et quatre femmes. C’est avec ce groupe exceptionnel que Fabrizio entre en studio en février dernier à Bois-Colombes pour enregistrer le répertoire de l’album « Siempre Paris » qui est composé de huit morceaux parfaitement équilibrés, puis qu’on y trouve quatre instrumentaux et quatre chansons, savamment alternés.
C’est d’ailleurs par une chanson interprétée avec conviction par Sandra Rumolino : Barrio Pobre, que s’ouvre l’album. Il s’agit d’un tango ancien arrangé avec soin par Fabrizio Colombo, dont la toute première version a été enregistrée en 1926 ! Puis place à un instrumental avec le poignant Adiós Nonino, une composition célèbre d’Astor Piazzolla de 1959 en hommage à son père surnommé Nonino, écrite lorsqu’il a appris son décès. Elle est reproduite assez fidèlement par rapport à l’original à l’exception de l’ajout d’un très beau solo de violon majestueusement interprété par Mathias Naón. Avec Marioneta, retour à la chanteuse Sandra Rumolino qui interprète un grand classique du tango, jadis chanté par Carlos Gardel en 1928. Situé au milieu de l’album, l’envoûtante version de Tristeza De Un Doble A d’Astor Piazzolla, d’une durée de près de treize minutes, est incontestablement le titre le plus marquant de cet album qui n’en manque pourtant pas, où Fabrizio Colombo déploie à la fois son grand talent d’interprète ainsi que celui d’arrangeur-orchestrateur. Après ce climax instrumental vertigineux, retour à la chanson avec le titre éponyme de l’album : Siempre París, où cordes et bandonéon tissent de fort beaux liens mélodiques et harmoniques. Une chanson fortement symbolique de la nouvelle vie parisienne de Fabrizio. C’est la guitare d’Adrien Merahi qui introduit la reprise d’Amarillo du guitariste et compositeur argentin Eduardo Pinto (né lui aussi à Mendoza) superbement arrangé par Fabrizio Colombo avec un poignant solo de piano d’Emilie Aridon-Kociolek qui conduit le morceau vers une deuxième partie, avant de revenir au thème initial. Retour à Carlos Gardel avec une de ses chansons les plus célèbres : Volver, chantée avec beaucoup d’expressivité par Sandra Rumolino. L’album se termine par Música Para Un Cuento Nocturno, une composition de Fabrizio Colombo très imprégnée par la musique classique avec les instruments à cordes particulièrement mis en avant.
Comme le titre de l’album semble l’indiquer, on souhaite à Fabrizio Colombo de rester longtemps à Paris, où il est déjà un des musiciens incontournables et
très demandés de la capitale (on attend avec impatience son projet musical avec l’acteur John Malkovich et la pianiste Anastasya Terenkova !), afin de continuer à nous enchanter et à nous faire rêver au son magique de son bandonéon.
Malgré son jeune âge, Fabrizio Colombo est un musicien qui possède déjà un solide parcours qui va au-delà du tango, même si cette culture reste son port d’attache.
Virtuose du bandonéon, il a d’ores et déjà promené son instrument sur les scènes du monde et aux côtés des artistes les plus fameux ; c’est dire que du haut de sa petite trentaine, notre musicien originaire de Mendoza, a vu du pays ; lorsque je l’ai vu et entendu pour la première fois à Paris, j’ai tout de suite été frappé par l’énergie qu’il déployait sur son bandonéon, et été séduit aussi par son toucher agile, félin et un style de jeu bien à lui, de celui que l’on reconnait instantanément à l’écoute. Dans ses mains, le bandonéon, ce « reptile des lupanars » selon la jolie expression que j’ai emprunté à l’ami Jean-Luc Thomas, fait preuve d’une grande versatilité qui est aussi la marque de l’arrangeur extrêmement raffiné qu’il est également. Dans le disque que vous avez entre les mains, son cinquième à ce jour, fait de reprises et d’une composition originale, son écriture pour septuor élégante et fluide, tire merveilleusement partie du grand talent de chaque musicien, tous de magnifiques solistes néanmoins rompus à l’art de la musique d’ensemble – ils et elles méritent d’être cités : Émilie Aridon-Kociolek au piano, Mathias Naón et Anne Le Pape aux violons, Veronica Votti au violoncelle, Adrien Merahi à la guitare et Lucas Frontini à la contrebasse – avec aussi l’art de la grande chanteuse Sandra Rumolino que l’on a le bonheur d’entendre sur 4 des 8 morceaux de l’album. A l’écoute de ce disque, on est frappé par le soin donné à
la combinaison des timbres et à l’équilibre des voix de chaque instrument, loin des clichés habituels du tango, le tout porté par une grande liberté stylistique présente dans le traitement de chacun des morceaux et qui en rafraichit considérablement l’écoute, créant un équilibre parfait entre tradition et modernité ; l’avenir de cette musique en sort renforcé, grâce à l’immense travail de transmission perpétué par les grands maîtres en argentine et hors de l’argentine, grâce à qui le tango contemporain est toujours bien vivant à ce jour à travers le monde. Fabrizio Colombo représente à merveille cette jeune génération de tangueros qui donnent confiance en l’avenir de cet univers musical.
Longue vie à ce nouvel album qui s’intitule Siempre París, du nom de la chanson d’Homero Expósito et Virgilio Expósito, un des nombreux tangos qui parle de la ville lumière qui accueille aujourd’hui Fabrizio, belle continuité d’une longue histoire entre le tango et notre pays. Et longue vie aussi au Septeto, heureuse conjugaison d’artistes au sommet de leur art, qui en réalité est un orchestre atypique pour le meilleur de la musique…
Je vous souhaite une belle écoute de ce nouvel opus.
Laurent Valero (France-Musique)
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