PELLEAS Y MELISANDA – Pablo Neruda | Vicente Pradal

Pelleas y Melisanda
Poème de Pablo Neruda (1923)

Enregistrement public. Spectacle créé au Théâtre de Cornouaille
Scène Nationale de Quimper le 19 avril 2001

Composition musicale : Vicente Pradal
Orchestration : Franck Monbaylet
Enregistrement|Mastering : Nicolas Jobet
Éditions et Mixage : Laurent Compignie
Voix
Le poète : Vicente Pradal   Melisanda : Bïa   Pelleas : Luis Rigou
Musiciens
Piano : Franck Monbaylet
Violon : David Braccini
Alto : Antoine Di Pietro
Violoncelle : Emmanuel Joussemet
Contrebasse : Eric Hervé
Clarinettes : Arnaud Pairier

Production : Malambo Productions-Vicente Pradal-Dominique Toudert-Double Lune Création
Création graphique : Double Lune Création
Photographies : Eric Dorge, Jean-Noël Vinter (TNT), Fondation Pablo Neruda


Je me souviens de la voix de Pablo Neruda.
Quand j’étais enfant, mes parents écoutaient souvent le disque introuvable des Hauteurs de Machu Picchu récitées par l’auteur.
Parfois mon père s’amusait à imiter la voix de Neruda, nasillarde, monocorde, hypnotique.
Je me souviens qu’adolescent je découvris émerveillé les Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée écrits par un Neruda de vingt ans.
« je peux écrire les vers les plus tristes cette nuit… »
Pablo Neruda, comme tous les poètes capables de génie, est obsédant.
Certains de ses vers s’installent dans votre mémoire sans y avoir été invités, comme par effraction, sans que vous ayez fait l’effort de les apprendre.
Pour le musicien que je suis, l’atmosphère qui se dégage de l’oeuvre poétique du Prix Nobel de littérature évoque un monde singulier d’où transparaît une grande solitude, un goût prononcé pour la nostalgie, et surtout une infinie mélancolie.
Si je me reconnais dans ces vers dictés par l’amour c’est peut-être parce que Pablo et moi sommes du même signe zodiacal…
Lorsque j’ai découvert l’existence de Pelleas y Melisanda , poème de prime jeunesse, j’ai su immédiatement qu’une nouvelle histoire d’amour était en marche.
En effet le processus créatif amorcé avec La Nuit Obscure puis Le Cantique Spirituel , Llanto por Ignacio Sánchez Mejías et L’Amour de Loin se fonde sur ma double passion : la mélodie chantée au service de la poésie.
Chaque fois cette vocation exige de « serrer » le sujet, de ne point se disperser, de se concentrer pour traiter pleinement l’oeuvre choisie et admirée et ce, en en respectant le sens, le propos mais aussi le ton et l’atmosphère. Ainsi ces « variations sur un thème donné » me permettent d’établir mon propre style sans être, je crois, répétitif.

La structure même, l’architecture, de Pelleas y Melisanda m’apparaissent comme idéales pour la composition : ce long poème d’amour est organisé, séquencé, et le dialogue amoureux cède le pas à une profonde réflexion sur l’angoissante nécessité d’écrire, de créer.
Les mots sont arrivés, et mon coeur irrépressible comme un lever du jour
s’est brisé sur les mots, s’accrocha à leur vol, ils l’emportent et le traînent en leurs fugues héroïques abandonné et fou, oublié parmi eux ainsi qu’un oiseau mort, au dessous de leurs ailes.
Il y a dans ce poème néo-romantique une grande musicalité et il est surprenant qu’aucun musicien ou compositeur ne s’y soit, à ce jour, intéressé.
Nous devrions avoir dans ce spectacle un dialogue entre l’orchestre composé d’un quatuor à cordes, d’un piano et d’une clarinette et les trois chanteurs protagonistes incarnant le Poète,
son Pelleas et sa Melisanda ; Il m’est apparu évident de proposer à Michel Rostain de donner une suite à notre fertile collaboration du Llanto.
Celui-ci accepta pour mon plus grand bonheur.
A nouveau, donc, nous nous immergeons dans la vie et l’oeuvre d’un immense écrivain, conscients d’avoir déniché en Pelleas y Melisanda un petit joyau injustement méconnu. Nous savons aussi qu’encore une fois cette aventure sera également une aventure humaine avec son lot d’inquiétudes, de doutes, de fatigues.
Quelque chose de difficile à définir nous pousse à n’être jamais satisfaits, à défricher toujours, à fuir le confort.
Nous sommes comme ces papillons de nuit qui viennent s’épuiser à la lumière de la lampe.

Vicente Pradal